Pendant le festival du Film Francophone d’Angoulême vous les voyez sur les écrans avant les projections des films ou sur les réseaux sociaux du FFA. Cette année, pour les 15 ans du festival et jusqu’au 28 août, les photos de Christophe Brachet s’exposent en grand dans les rues du centre-ville d’Angoulême et dans le livre « Angoulême fait son cinéma » qui vient de sortir.
À la veille de l’ouverture du festival, nous sommes allés à sa rencontre à l’Hôtel de Bardines où, avec son équipe, il finalise la préparation des séances photo à venir. Avec près de 80 talents à photographier au cours de cette semaine, le rythme s’annonce très intense. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un photographe très discret et comprendre un peu mieux comment il travaille.
On pense souvent que le travail du photographe se limite à cadrer et appuyer sur un bouton, avec Christophe Brachet, on découvre une démarche et des partis pris tant sur le plan artistique que sur le plan technique. Photographe de plateau depuis une quinzaine d’années (il revient justement du tournage d’Alphonse, la série réalisée par Nicolas Bedos pour Amazon Prime) et photographe officiel du festival depuis 13 ans, Christophe Brachet à su imposer son style avec ce noir et blanc si reconnaissable et qui est aujourd’hui la signature des photos du festival.
Photos type “reportage” ou photos prises sur le vif, depuis quelque temps Christophe réalise aussi de plus en plus de photos posées. Plus travaillées. Et derrière les portraits qu’il réalise à Angoulême, l’envie de garder un fil conducteur et une cohérence avec le film que les acteurs photographiés sont venus présenter. Exemple avec Alexandra Lamy et Philippe Katerine pour le film Le Test où, dans le film, Annie se “repose” sur Laurent et où, dans la photo, l’actrice se repose sur son partenaire.
Son regret c’est d’ailleurs de ne pas pouvoir visionner les films en amont afin d’être encore plus pertinent dans ses propositions. Aujourd’hui il s’appuie sur les bandes annonces pour s’imprégner de ce que le film va renvoyer et transmettre comme émotion afin de préparer les poses de ses séances.
Il peut aussi compter sur sa galerie d’inspiration qu’il alimente régulièrement et qu’il garde sur son smartphone ainsi que sur les propositions de Cloé son assistante de luxe, comme il aime le rappeler, car elle-même photographe auteur.
Il s’apprêtait justement à tester des poses avec son équipe. Une photo pour 4 acteurs et un portrait inspiré d’une photo d’Audrey Hepburn parce que, dit-il, « on a de très belles femmes, assez puissantes, qui vont venir ici à Angoulême ». Cette pose, ce sera sans doute pour Sophie Marceau. Mais chut…
Malgré ces préparatifs, il y a une chose que le photographe ne maitrise pas, c’est la tenue que porteront ses modèles le jour J.
Préparer sa séance et savoir quelle photo il veut faire est l’une des clés car le temps est compté et si toutes ces stars acceptent, comme Pierre Niney, Vanessa Paradis, Sandrine Kiberlain, Anne Parillaud, Omar Sy ou François Cluzet, c’est parce qu’elles savent que Christophe va aller très vite pour faire sa photo.
Le festival d’Angoulême c’est aussi les photocalls où Christophe fait des “photos volées”, comme il les appelle. C’est le moment incontournable pour de belles photos sur le vif mais c’est aussi un exercice qui nécessite de multiplier les prises de vues, en particulier quand il y a une équipe de film complète, afin que personne ne soit à son désavantage sur la photo.
Chaque jour ce sont près de 5000 photos qui sont produites puis triées et traitées en flux direct par Cloé. Ce travail va permettre la publication de 100 à 150 photos sur les différents supports du festival : projection sur les écrans en salle et réseaux sociaux.
Il y a beaucoup de déchet que le photographe explique par le fait qu’il essaie plein de choses et qu’il ne travaille qu’en focales fixes à grandes ouvertures (24, 35, 50, 85 et 135mm Sony pour les connaisseurs). Et lorsque l’on teste des choses, certaines fonctionnent, d’autres non. Mais ça lui permet de se démarquer et c’est assumé.
Avec autant de photos produites et un timing serré entre les différentes séances, pas le temps de retoucher. Ou alors juste pour les actrices parfois, atténuer ou effacer une petite ride. Ou quand on lui demande. Mais aussi parce que le photographe défend une autre façon de faire des photos.
Pour les actrices, ça fait maintenant 15 ans que je fais du plateau, je sais à peu près ce qu’elles veulent. Mais on essai de défendre une photo très naturelle en disant qu’on est capable de faire de belles photos à la prise de vue. Ma façon de travailler dérange beaucoup parce que moi déjà je ne photographie pas en RAW. Je travaille uniquement en jpg et je fais mes noirs et blancs à la prise de vue. Y’a plein de photographes qui sautent au plafond. Même Match quand ils me disent « vous n’avez pas ces photos en couleur ? » Bah non, soit vous acceptez mon parti pris soit vous ne l’acceptez pas. Moi ça m’est égal. Si je ne suis pas publié chez vous ce n’est pas grave. J’aime cette idée de dire aux gens : vous pouvez faire aujourd’hui de belles photos si à la prise de vue vous savez ce que vous voulez, si vous avez réfléchi à ce que vous voulez un peu avant. Et je trouve que c’est bien de nos jours où je pense qu’on a plus de photographes qui sont des “photoshopeurs” que des bons photographes.
Christophe Brachet
Les photos faites pendant le festival servent également pour des publications et la dernière en date c’est le livre de Maryz Bessaguet “Angoulême fait son cinéma” aux éditions La Geste. Même si il a laissé le soin à la journaliste de choisir les photos, celle de la couverture lui semblait une évidence. Alors pourquoi Jean Dujardin ?
Parce que Jean est venu souvent. Parce que Jean, pour moi, c’est l’acteur populaire par essence. Et que chaque fois qu’il est venu ici ça a été un rapport au public énorme. Et que pour moi cette photo ça marque vraiment ce que je veux transcrire au festival avec quand même beaucoup de discrétion. C’est-à-dire montrer le décor du festival sans être forcément vu. Un festivalier qui aurait été au Mercure ce jour là aurait pu voir Jean Dujardin en train de fumer sa clope. Y’avait juste sa tête qui dépassait. C’était énorme.
Christophe Brachet
La discrétion, se mettre au service de, c’est aussi la marque de fabrique de Christophe Brachet.
Y’en a qui m’ont dejà dit ouais on voit que toi au festival. Au contraire. Moi je suis un photographe qui aime bien m’effacer. Je préfère qu’on m’oublie car j’utilise la vie, les gens, j’aime me faire oublier comme sur un plateau de cinéma. Et pour moi en tant que photographe le meilleur compliment c’est quand on me dit “ha Christophe t’étais là ?” À 15h alors qu’on a commencé à 8h. Et ça j’adore ! On m’a oublié. Je suis comme un chat. Et comme ça j’ai des photos qui sont le plus naturel possible. Pour moi c’est important.
Christophe Brachet
Quand on lui demande quel est son meilleur souvenir sur toutes ces années de festival il ne met pas longtemps à répondre que c’est sans doute la photo qu’il a réalisé de Bertrand Blier, pour Le Bruit des glaçons (2010), et Jean Dujardin (encore). Une photo loin d’être parfaite comme il le dit mais qui est un condensé de ce qu’il aime dans la photo.
C’est le regard de Jean Dujardin sur Bertrand Blier. On a un Bertrand Blier qui est content d’être là. Qui est détendu avec sa pipe. Et Jean accroupi qui le regarde avec le regard de l’acteur. Parce que c’est une photo qui est volée. En fait ils posaient pour d’autres photographes ailleurs et moi je me suis complètement désaxé parce que j’avais remarqué le regard de Jean sur Bertrand qui était très bienveillant. Et cette photo j’étais trop heureux de la faire parce que quand je l’ai vu dans le viseur et que j’ai appuyé j’ai dit putain j’ai la photo parfaite. Elle n’était pas parfaite techniquement mais j’ai l’émotion qui passe dans cette photo et ce que représente cet acteur pour moi c’est pour moi une des photos les plus marquantes.
Christophe Brachet
Avec la pluie de stars à Angoulême cette année pour cette édition anniversaire, nul doute que des photos marquantes Christophe Brachet va encore en faire de belles !